Action co-financée par le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural. L'Europe investit dans les zones rurales.
Action de transfert et de diffusion de connaissances et de pratiques innovantes intitulée “Transférer, partager et diffuser les connaissances et les expériences acquises pendant 10 ans dans le réseau Pâtur’Ajuste avec des éleveurs et des techniciens agricoles de la Région Occitanie (ex Midi-Pyrénées) pour donner de valeur aux prairies naturelles et aux parcours par l’usage agricole.“
Valoriser des végétations semi-naturelles (prairies naturelles et aussi landes, estives, bords de rivière, espaces embroussaillés, sous-bois…) pour l’alimentation des ruminants est un enjeu tant économique et technique, qu’écologique et social pour les élevages et les territoires. Depuis 10 ans, la démarche Pâtur’Ajuste se déploie dans de nombreuses fermes et sur de nombreux territoires afin d’accompagner les éleveur·euse·s et les acteurs·trices qui les accompagnent pour reconnaître la diversité des objectifs légitimes de chacun et mettre en avant les techniques pour atteindre ces objectifs. Ainsi, les activités du réseau Pâtur’Ajuste ont engrangé 10 ans d’échanges, d’observations, d’expérimentations, de productions techniques, etc. Il était temps de prendre un peu de recul, de faire le bilan de nos acquis, de les diffuser au-delà des personnes qui ont contribué à la fabrication de ces connaissances, et aussi de dessiner ensemble les perspectives pour les prochaines années !
Objectif de l’action
Synthétiser, partager et diffuser de manière participative des connaissances et pratiques techniques opérationnelles aux éleveur·euse·s de ruminants ainsi qu’aux technicien·ne·s qui les accompagnent, pour savoir donner de la valeur aux végétations naturelles par l’usage agricole.
Finalités de l’action
aider les éleveur·euse·s et les technicien·ne·s à améliorer les performances économiques et environnementales des systèmes herbagers et pastoraux,
diffuser un enrichissement de la palette des solutions techniques que les éleveur·euse·s envisagent au quotidien pour concevoir la conduite des troupeaux et des végétations,
permettre un rapprochement entre les enjeux de production et les enjeux de maintien des qualités écologiques,
participer à une évolution de l’accompagnement technique des éleveur·euse·s.
Phase 1 Acquisition et formalisation des acquis de quatre fermes et d’un technicien pastoral
Dans chaque retour d’expérience, il s’agit de contextualiser les pratiques innovantes mises en œuvre dans un lieu et dans un système particulier. L’objectif n’est pas de faire une monographie de la ferme, il s’agit plutôt de présenter la fiche d’identité de la ferme et le système de façon générale. Le document entre dans le vif du sujet technique ou socio-économique à travers des éléments de contexte, les objectifs poursuivis par les éleveurs, les pratiques programmées et mises en œuvre ainsi que les résultats observés. Ces rubriques font écho aux étapes de la démarche Pâtur’Ajuste. Il s’agit de faire percevoir l’intérêt de l’expérience pour que le lecteur s’en inspire, mais sans tomber dans l’écueil de l’imitation, de l’application d’une nouvelle recette.
Retour d’expérience de la ferme d’Esbintz, 2023
Reprendre les rênes pour les gérer au mieux, nos reines de bestioles ! Gérer le parasitisme au pâturage en ayant peu recours à la chimie sans perdre de vue la gestion des dynamiques des végétations.
Ces dernières années, Mathias a raisonné la gestion du pâturage en mettant l’accent sur l’évitement du risque parasitaire d’herbage et non sur la gestion des dynamiques des végétations naturelles. La conduite de ses animaux qu’il met en place, dans son système particulier (transhumance estivale, variabilités météorologiques montagnardes…) pour éviter le risque plutôt que d’avoir à l’éliminer par voie chimique ou naturelle, entraîne des implications sur l’évolution des végétations spontanées de sa ferme. Evolution qu’il ne souhaite pas forcément, tel le développement de la ronce dans certains secteurs.
Retour d’expérience du Gaec les vachers de Morère, 2023
Un élevage laitier qui s’est lancé dans la valorisation des mâles
Avec la passion de l’élevage et du fromage chevillée au corps et avec un double objectif général d’être heureux dans son travail et de perfectionner ce qu’il fait, Bert-Jan a mis en place une spécificité supplémentaire de sa ferme depuis 2016 et l’installation de sa nouvelle associée : « on garde tout le monde » ! Et cela depuis quelques années… Un nouveau cap dans sa vie et dans celle de la ferme.
Élever des moutons pour la viande sans grains et avec peu de foin, c’est possible ! Pour y arriver, tout se joue dans la finesse technique.
Le projet de ferme visée par Maria tient en quelques mots clés : animaux en plein air, tout le temps à l’extérieur, pas d’engraissement aux grains, pas de concurrence à la nourriture humaine, pas de chimie, un maximum de pâturage des végétations naturelles, lait de la mère pour les agneaux, reproduire le schéma naturel du mouton. Pour l’atteindre, l’éleveuse met en avant deux sujets techniques parmi ceux qui lui semblent indispensables à maîtriser.
Produire du lait le plus possible au pâturage sur végétation naturelle à chaque saison
Depuis quelques années déjà, Alexis et Sylvestre, du GAEC de BRAGAT, participent aux journées d’échanges techniques organisées par Bio Ariège Garonne. Dès lors, ils ont su s’approprier certains leviers techniques pour les rendre actionnables sur leur ferme. Dans ce retour d’expérience, Alexis et Sylvestre nous font part des changements de pratiques expérimentés depuis 3 ans.
Retour d’expérience de Philippe Tyssandier, technicien pastoralisme à la Chambre d’agriculture du Lot, 2023
Accompagner les éleveurs sur les territoires avec la démarche Pâtur’Ajuste
Ce retour d’expérience a été réalisé à partir d’un entretien en août 2023 entre Philippe Tyssandier et Madelleine Johanny-Mirabal, Doctorante, à l’INRAe- UMR TERRITOIRES, sur l'autonomie au travail des éleveurs et éleveurses. Il s’appuie aussi sur les réflexions menées dans le « groupe technicien » du réseau Pâtur’Ajuste qui cherche à faire progresser la formation des techniciens qui accompagnent les éleveurs sur les territoires.
Phase 2 Organisation de journées successives de transfert de connaissances et de pratiques innovantes à destination des éleveur·euse·s et des technicien·ne·s qui les accompagnent
Journées de transfert de connaissances et de pratiques innovantes. La valeur des végétations et des troupeaux se créent dans les fermes 17 au 19 octobre 2023, La Bastide de Sérou en Ariège.
Ces deux journées de transfert, de diffusion et d’information ont rassemblé 69 éleveur·euse·s et porteur·euse·s de projets ainsi que 25 technicien·ne·s. Plus de 55% des participants sont venus de l’ex région Midi-Pyrénées (Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Lot, Hautes-Pyrénées, Tarn et Tarn-et-Garonne). Pour les autres, ils ont traversé les quatre coins de la France pour se rendre en Ariège (Cotentin, Drôme, Finistère, Gard, Isère, Loire, Maine-et-Loire, etc.). Pour certains, participer à ces journées était une première, pour d’autres, une habitude depuis plus ou moins longtemps.
Ces journées ont été rythmées par des présentations croisées, du plénier participatif, des ateliers en sous-groupes, des visites de fermes, des témoignages et de moments conviviaux. Ci-dessous, en voici un aperçu.
Un temps pour se connaitre et entrer dans les thématiques techniques des journées
A leur arrivée l’après-midi, les participants ont inscrit d’où ils venaient, ont indiqué leur production et ce que leur inspirer le réseau Pâtur’Ajuste grâce à une carte de France.
Qu’est-ce que Pâtur’Ajuste représente pour vous ?
« échange de pratiques » « Partage d’interrogations», « Ajuster c’est l’avenir », « palettes d’outils techniques », « convivialité », « curiosité » « économique » « faire autrement » « apprendre toujours plus !
Puis, l’animatrice du réseau Pâtur’Ajuste a donné le coup d’envoi de ces journées. La parole a ensuite été donnée à Bio Ariège-Garonne, la structure qui a contribué à l’appui local de cet élèvement. 3 éleveurs adhérents ont présenté l’élevage au sein du territoire ariégeois, les travaux du groupe élevage sur le pâturage ainsi que la collaboration avec Pâtur’Ajuste engagée depuis 2018 via des journées collectives d’échanges pour « aller vers des systèmes plus économes, en valorisant avec les animaux toute la diversité des végétations naturelles des fermes ». S’en est suivi un temps de présentation croisée. Regroupés autour de photos prises dans des fermes du réseau Pâtur’Ajuste, les participants ont été amenés à raconter en quoi celles-ci faisaient écho à leur quotidien ou illustraient des réflexions, réussites, préoccupations anciennes ou actuelles. Ces discussions ont donner à voir la diversité des profils des participants, l’étendue des thématiques abordées dans le réseau Pâtur’Ajuste et ont lancé les échanges techniques.
Une présentation du « socle » de Pâtur’Ajuste, retrospective de 10 ans de travail collectif
En plénier, l’équipe de SCOPELA, créatrice et animatrice du réseau Pâtur’Ajuste depuis ses débuts, a présenté les intentions collectives qui ont orienté le travail techniques des 10 années, ainsi que les notions autour desquelles ce travail a été élaboré. La présentation s’est déroulée en quatre temps :
un partage des intentions du réseau
une présentation de la démarche et des outils développés
un transfert de la vision fonctionnelle et écologique de la technicité en élevage
une réflexion sur la posture, et les acquisitions de connaissances.
Une structuration de cette présentation a été rédigée au sein du guide technique de 16 pages : SCOPELA, 2023, La valeur des végétations et des troupeaux se crée dans les fermes. Ce guide est disponible sur commande en version papier ou au téléchargement sur www.paturajuste.frGuide technique à télécharger
Quelques expressions de participants à deux questions posées, parmi d’autres, lors de la présentation :
Qu’est ce que Pâtur’ajuste vous apporte dans votre quotidien d’éleveurs ou de techniciens ? On a appris à observer ce qu’on faisait » ; « quand on se pose la bonne question, on a déjà fait 80 % du travail, et l’outils Pâtur’Ajuste aide à se poser la bonne question » ; « Ce qui me parle, c’est s’autonomiser. On a besoin de personnes qui nous aide dans la réflexion, qui apportent une complexité dans la réflexion. Enfin un réseau dans lequel on vous aide à réfléchir et on coconstruit les solutions.
Quelle est la nécessité de monter en compétence technique pour faire avec vos objectifs, vos contextes pédoclimatique et socio-économique ? Les techniques toutes faites sont au service d’un objectif mais quand on me les expose, l’objectif n’est peut-être pas le mien » ; « on était dans la Drôme et on est passé dans le Tarn, il a fallut tout recommencé… on a réadapté nos façons de voir en fonction de la nouvelle géographie et de la nouvelle façon de conduire le troupeau qui n’était pas la même … Il faut se les faire notres.
A l’issue de cette présentation, les participants ont été invités à se positionner sous l’année de leur « rencontre » avec Pâtur’Ajuste. Chaque année a été associée à un fait marquant.
2013
Création de la mise en réseau, élaboration d'une charte de préfiguration du réseau Pâtur'Ajuste
2014
Délimitation des thématiques techniques à travailler dans le réseau
2015
Déploiement de la démarche Pâtur'Ajuste dans les territoires
2016
Rédaction d'un commun sur les intentions du réseau
2017
Questionnement des liens entre technique et socio-économie
2018
De l'expertise et aussi de la pédagogie. Acquisition et mobilisation des connaissances
2019
Ouverture des champs techniques travaillés dans le réseau, tel le parasitisme
2020
Révision de la représentation de la démarche Pâtur'Ajuste : du linéaire à la dynamique
2021
De la technique et aussi de la méthodologie
2022
Mise en avant du rôle des pratiques pour donner de la valeur aux végétations et aux troupeaux
2023
10 ans, transfert et diffusion des acquis !
18 octobre 2022
Des ateliers en sous-groupe de partage de connaissances et d’expériences autour de 4 thématiques-clés de Pâtur’Ajuste.
Les ateliers ont été l’occasion pour les participants de découvrir et/ou d’approfondir quatre thématiques-clés capitalisées dans le réseau Pâtur’Ajuste pour réussir à donner de la valeur aux végétations naturelles par l’élevage. Au sein de chaque atelier, l’objectif a été de faire percevoir aux participants trois niveaux de la technicité. Ainsi, les participants ont été amenés : 1/ à dresser collectivement un inventaire des techniques innovantes, 2/ à illustrer, à partir de leurs retours d’expérience, les finesses de pilotage de mise en œuvre d’une même technique, 3/ à prendre conscience de la diversité des façons d’intégrer ces techniques dans sa ferme au regard de ses objectifs et de son contexte.
Atelier 1 - Voir plus loin que la valeur nutritive pour couvrir les besoins des animaux
La « valeur » des résultats des analyses fourragères, souvent utilisées comme critère de pilotage au pâturage, a été discutée. L’objectif était de faire percevoir aux participants la différence entre les données brutes qui décrivent les caractéristiques nutritionnelles d’un fourrage et/ou d’une végétation pâturée (MAT, taux de matière sèche, cellulose brute, etc.) et les données théoriques qui prétendent prédire la façon dont ces nutriments seront valorisés par les ruminants (ULF, UFV, digestibilité, etc.). A l’issue de plusieurs témoignages, il a été reconnu collectivement qu’il est possible de couvrir des besoins alimentaires des animaux avec des fourrages et/ou végétations pâturées dont la valeur nutritive est pourtant évaluée comme faible dans les analyses fourragères. Il n’y a donc pas que la valeur intrinsèque qui compte. Pour arriver à augmenter la valeur de ces fourrages et/ou végétations pâturées, il est nécessaire de développer une certaine technicité. Un panel de techniques ainsi que leurs modalités de pilotage ont été évoqués.
Témoignage d’un·e éleveur·euse :
Les animaux consomment des orties azotées si la végétation proposée en face est plus fibreuse […] l’éleveur donne une certaine valeur au fourrage … et l’animal aussi.
Atelier 2 - Voir plus loin que l’herbe verte du printemps pour trouver de la valeur à la pâture à chaque saison
Les participants ont distingué les pratiques qui permettent : d’agir sur la végétation disponible, de peser sur les besoins alimentaires des animaux et d’organiser la rencontre entre les animaux et la végétation. Les échanges se sont concentrés sur la finesse de pilotage de la technique du report sur pied, tant dans sa fabrication que dans sa valorisation par les animaux. Les participants ont notamment échangé sur un pilotage par la distribution d‘azote ou par la consommation d’une ressource complémentaire au pâturage pour valoriser le report de plus en plus fibreux au fil de son avancée dans l’année. Des éleveurs ont également discuté comment l’apport de nouveau en changeant de parc au cours de la journée et/ou la mise à disposition des animaux de végétations diversifiées permettait de relancer l’ingestion.
Témoignage d’un·e éleveur·euse :
L’hiver, les brebis sont gardées sur une diversité de parcelle. Elles sont entre de la garrigue ligneuse et de l’herbe bien verte entre des rangs de vigne. Elles commencent par aller sur l’herbe puis elles vont sur la garrigue ligneuse où elles consomment essentiellement de la bruyère.
Atelier 3 - Voir plus loin que le semis des prairies ou la lutte contre les broussailles pour maintenir la valeur des végétations à long terme grâce au pâturage
Les participants ont partagé des techniques qui permettent i/ de limiter l’utilisation du broyeur ii/ de renouveler ou reconstituer la végétation que l’on souhaite. Les échanges se sont concentrés sur la finesse de pilotage d’une technique commune à ces deux catégories : l’ajustement du nombre de bêtes à l’hectare. Celle-ci a été mise en lien avec la saison à laquelle elle est mise en place, le fonctionnement des plantes, l’aptitude des animaux à valoriser la végétation, les interactions avec ce qui distribué à l’auge, l’accessibilité de la ressource que l’on cherche à faire consommer, l’appétence relative des différentes plantes, etc. Les participants se sont posés la question de l’objet du pilotage : Est-ce qu’on cherche à faire diminuer la dynamique de la végétation non souhaitée ou on est ce qu’on cherche à la maintenir ? est-ce que l’on pilote la conduite sur les plantes que l’on souhaite maintenir ou sur celles que l’on souhaite faire régresser ?
Témoignage d’un·e éleveur·euse :
Sur un coteau séchant avec de la ronce, on cherche à retarder la pousse de l’herbe au printemps pour qu’elle arrive à maturité au moment où les ronces sont appétentes pour les animaux et que les animaux mangent indifféremment la ronce et la végétation herbacée. Si on vient trop tôt, on ne pénalise pas la ronce et si on vient trop tard la masse du roncier peu démotiver l’animal.
Atelier 4 - Voir plus loin que les traitements antiparasitaires chimiques pour pâturer en confiance sans craindre pour la santé du troupeau
Plusieurs techniques permettant de maîtriser le risque parasitaire au pâturage ont été listées et organisés en trois « familles » : celles pour éviter l’infestation parasitaire, celles pour l’affronter, celles pour l’éliminer. Les échanges se sont concentrés sur quelques une de ces techniques, notamment : décider du délai de retour sur une même parcelle ou ajuster le temps de séjour des animaux selon le cycle et les capacités de survie des parasites dans les conditions climatiques données, diversifier les lots d’animaux pâturant une même parcelle (en simultané ou en alterné) au cours de l’année selon leur degré de sensibilité à un même parasite, etc. Delà, une discussion a eu lieu sur le fait de séparer (ou non ?) les jeunes des mères. Les témoignages ont relevé une grande diversité de pilotage et une efficacité relative, et souvent complexe à expliquer, aux vues de la diversité de facteurs pouvant influencer l’état de santé des jeunes. Cela a soulevé de nombreuses questions…
Témoignage d’un·e éleveur·euse :
Au sevrage j’ai mis mes agneaux sur une de mes meilleures parcelles et j’ai laissé les agnelles avec les mères. Mes agneaux étaient plus jolis. Est-ce que la différence observée est liée à la séparation ? au fait de les mettre sur des parcelles plus nutritives ?
Les séparer pourquoi pas mais pour les mettre où ? La question de concevoir des parcelles saines est alors apparue dans les échanges. Mais qu’est-ce qu’une parcelle saine ?
Mes agneaux se sont parasités sur des parcelles qui a priori étaient inutilisées depuis plus de 10 ans ?....
A l’issue de ces échanges, l’inventaire non exhaustif des techniques mobilisables dans les fermes pour chaque thématique-clé a été mis à plat dans le guide technique de 20 pages : SCOPELA, 2023, La valeur des végétations et des troupeaux se crée dans les fermes. Ce guide est disponible sur commande en version papier ou au téléchargement sur www.paturajuste.fr
La rencontre de deux éleveurs sur leur ferme
Les visite de fermes ont permis d’aller à la rencontre de quatre éleveurs et éleveuses du territoire ariégeois. L’objectif a été d’approfondir les ateliers du matin sur les quatre thématiques-clé et de donner à voir la technicité mise en place par ces éleveurs pour donner de la valeur par l’usage à leurs végétations et leurs troupeaux. Ainsi, ils ont présenté les techniques de pâturage qu’ils mobilisent et la façon dont ils les mettent en place sur leur ferme. Aussi, ils ont fait part aux participants de leur chemin d’apprentissage pour construire le système qui leur convient en faisant avec leur contexte et leurs envies. Au sein de chaque ferme, les participants ont été amenés à faire le lien entre ce cas concret et ce qu’ils mettent en place chez eux en soulignant la finesse de pilotage et leurs chemins d’apprentissage.
Ferme de Mathias Chevillon à Seix
Trouver un équilibre entre productivité animale acceptable et minimisation des traitements antiparasitaires chimiques
Mathias a commencé par présenter sa ferme ainsi que ses choix techniques et socio-économiques liés à son ancrage dans un territoire de montagne. Puis, il a expliqué le cheminement de sa réflexion sur la conduite du pâturage sur sa ferme. Son point de départ a été de s'intéresser au parasitisme. En 10 ans, il a modifié sa stratégie de maitrise du risque, il a expérimenté différentes alternatives aux traitements chimiques systématiques (traitements au cas par cas avec une réflexion sur les molécules utilisées, traitements naturels à base d'huiles essentielles, cures à base de plantes, réflexion sur les pratiques de pâturage pour éviter le risque plutôt que de l'éliminer), il a fait évoluer son regard sur l'état de son troupeau, il a appris à se faire confiance..." Je l'ignorais au départ, je me suis rendu compte qu'il fallait prendre en compte le lien entre pâturage et gestion du parasitisme". Il a partagé au groupe sur quoi il continuait de butter aujourd'hui : le manque de critères de prise d'information , le manque de références techniques pour comprendre les interactions entre les parasites, les troupeaux et les dynamiques de végétations, le manque de méthode pour évaluer l'effet d'une pratique ou d'une combinaison de pratiques, la difficulté d'objectiver le risque parasitaire, etc. Le dernier temps de la visite a été consacré à la présentation d'un protocole expérimental de recherche, pour lequel la ferme a été support en 2023, afin d'étudier les effets des caractéristiques des végétations naturelles (et de leurs mises en état par le pâturage) sur la charge parasitaire des parcelles en larves infestantes de strongles gastro-intestinaux.
Construire un élevage laitier valorisant les mâles sur prairies naturelles calcaires
Bert-Jan a fait part de ses questionnements pour réussir à concilier l’augmentation de l’effectif animal sur sa ferme dû à l’élevage récent de bœufs de 7 ans et le maintien de la productivité de ses parcelles pâturées. A partir de la caractérisation de la végétation et de la description des pratiques mises en place ces dernières années, les participants ont été amenés à décortiquer la chaine de causalité qui induit la baisse de productivité végétale constatée et la difficulté actuelle à la retrouver. Les nécessités d’observer le fonctionnement de la végétation au cours du temps, notamment la dynamique de renouvellement des plantes, et de se fixer un objectif clair d’utilisation de la parcelle avant d’agir, ont été évoquées. Puis, Bert-Jan a partagé ses pratiques d’engraissement en 7 ans de ses bœufs ainsi que les raisons de ce choix éthique afin d’être heureux au travail. Des questions sur la rentabilité économique de ses choix et de l’éventuellement concurrence de cet atelier avec l’atelier laitier envers la surface pâturable sur la ferme ont été posées.
Les chemins d’apprentissage et de désapprentissage d’un éleveur et d’un technicien
Deux témoignages croisés, celui d’un éleveur et celui d’un technicien, ont permis de percevoir les chemins d’apprentissage et de désapprentissage qu’ils ont parcourus pour faire évoluer leurs compétences sur le pâturage des végétations naturelles. Ces témoignages ont été préparés en amont à partir d’entretiens réalisés par Madelleine Johany-Mirabal, doctorante à l’INRAe, dans une équipe de recherche avec qui SCOPELA collabore depuis la création du réseau Pâtur’Ajuste. Son sujet de thèse s’intéresse à l’autonomie au travail des éleveur·euse·s. Au cours des deux ateliers, les participants ont été amenés à partager leurs expériences en écho à ces deux récits de chemin d’apprentissage.
Philippe Tyssandier, conseiller pastoralisme à la Chambre d’agriculture du Lot, a expliqué comment il est passé d’une posture de conseiller à une posture d’accompagnant. Au cours de son récit, il a retracé sa rencontre avec Pâtur’Ajuste, l’intégration de la démarche dans son quotidien au travail, ce qu’il a dû déconstruire et ce sur quoi il s’est appuyé pour y parvenir.
Hugues Moly, éleveur de vaches Charolaise et de porcs en plein air en Isèrea partagé son « récit d’autonomisation au travail ». L’objectif de l’atelier était tout d'abord de montrer le cheminement d’autonomisation ainsi que les leviers et les difficultés rencontrées. D’autre part, nous avons aussi cherché à mettre en évidence toutes les dimensions du travail qui ne sont pas que d’ordre technique. L’atelier était divisé en deux parties : dans la première, l’éleveur nous a raconté sa trajectoire professionnelle et personnelle, puis les participants se sont divisés en deux groupes pour discuter de la façon dont cette trajectoire a résonné chez eux.
Des sujets divers ont été abordés :
L’importance de s’appuyer sur le réseau pour « tracer son propre chemin » lorsque les éleveur·euse·s estiment que leurs pratiques sont en « décalage » par rapport aux autres
La difficulté de travailler face au regard des autres (pairs, famille) conduisant les éleveur·euse·s à s’appuyer sur les acquis du réseau pour trouver des arguments ou à « faire des compromis » pour maintenir une cohésion sociale avec l’entourage
L’importance d’appréhender le bagage historique des éleveur·euse·s pour comprendre leurs choix et accompagner leurs évolutions.
19 octobre 2022
La rencontre de deux autres éleveurs sur leur ferme
Ferme de Maria Eberhardt à Monesple
Conduire un système ovin allaitant 100% plein air peu consommateur en foin et céréales
Maria a commencé par présenter au groupe, à l’aide de photos imprimées, sur quel type de surfaces elle effectue les différentes séquences d’alimentation de ses brebis au cours de l’année. A chaque photo, elle a expliqué la finesse de pilotage de sa conduite de pâturage pour éduquer et inciter son troupeau à valoriser l’herbe au stade phénologique qu’elle a choisi en lien avec l’équilibre nutritionnelle qu’elle cherche à couvrir au pâturage et le renouvellement de la strate herbacée. Puis, l’éleveuse a présenté la technicité qu’elle met en place pour construire et valoriser une ressource en report sur pied (foin puis stock sur pied) afin de passer les sécheresses estivales au pâturage et de sécuriser le début de l’automne. Elle a également partagé l’attention qu’elle porte à la régénération des sols.
Produire du lait le plus possible au pâturage sur végétations naturelles à chaque saison
Alexis et Sylvestre ont fait part des changements qu’ils ont opérés depuis 3 ans dans l’organisation du pâturage au sein de leur ferme. Au cours des échanges, les participants ont partagé leurs expériences sur les différentes manières de piloter la maitrise du risque parasitaire au pâturage, sur la place et la nature du distribué à mettre en face du pâturage, sur la technicité pour réussir à valoriser une ressource diversifiée à chaque saison. A travers le récit des nombreux ajustements qu’ils ont réalisés, Alexis et Sylvestre ont présenté les chemins d’apprentissage individuel et collectif qu’ils ont parcourus ainsi que les chantiers d’apprentissage futurs.
Une prolongation des échanges sur les conditions pour savoir déployer sereinement les principes techniques de Pâtur’Ajuste dans les fermes et les territoires.
Savoir argumenter les conséquences paysagères et techniques de ses pratiques.
Les éleveur·euse·s ont évoqué la nécessité de pouvoir être reconnus dans leur métier par leurs pairs, par les propriétaires, mais également par les institutions afin d’être sereins au quotidien dans les intentions et les objectifs qu’ils portent au sein de leur ferme. Les participants se sont mis d’accord pour dire qu’il existe des arguments génériques qui peuvent être mobilisés pour argumenter (ex : l’intérêt du report sur pied, de la broussaille dans son système, etc.). Mais in fine, chaque argumentaire doit être singulier, propre à chaque situation.
Les échanges se sont donc concentrés sur le comment faire pour argumenter plutôt que sur le contenu de l’argumentation. Plusieurs pistes ont été évoquées :
Intégrer le propriétaire dans les discussions en amont de la mise en place des pratiques. Pourquoi pas établir un contrat technique ou un partenariat de confiance,
Rédiger des fiches techniques sur le report sur pied et la valeur des broussailles en partenariat avec les institutions reconnues (ADEAR, CEN …) en explicitant l’intérêt pour les éleveur·euse·s et les attentes sociétales,
Réussir à formaliser un « commun » avec ses voisins,
Discuter de pourquoi on met en place ses pratiques et de l’intérêt à l’échelle système,
Ne pas sous-estimer la capacité des propriétaires et des autres éleveur·euse·s à comprendre les choix opérés et les pratiques mises en place sur les fermes.
Savoir communiquer sur ses pratiques avec ses voisins ou collègues.
Les participants ont témoigné de la difficulté ou de la facilité à échanger avec leurs voisins sur leurs pratiques. Ont été évoqués : le besoin de reconnaissance par les pairs qui passe beaucoup par la réussite économique avec peu de considération pour d’autres objectifs plus difficiles à légitimer, la nécessité de communiquer sur des exemples qui « marche » au sein de réseau de diffusion « reconnu » dans le monde agricole (presse agricole, etc.), le besoin de formations des futurs jeunes agriculteurs pour ouvrir les horizons, etc. In fine, c’est posé la question d’échanger « de quoi ? pour quoi ? et avec qui ? ».
Savoir positionner et articuler ses pratiques au sein des autres sources de conseil, des programmes territoriaux… (exemple : « les bulletins herbe »)
Dans cet atelier, les techniciens ont partagé leur expérience de travail au sein de leur territoire en exprimant comment ils arrivaient ou non à rentrer en complémentarité avec les autres démarches « herbes ». En cours de rédaction
Savoir communiquer sur l’intérêt économique de ses pratiques auprès de ses clients, de sa filière… (exemple : « les cahiers des charges »).
Le groupe a partagé l’enjeu de savoir légitimer son travail en communicant sur la rentabilité des pratiques et des fermes auprès des personnes qui achètent la production, des abattoirs, des fournisseurs, des habitants et des élus, qui doutent souvent que l’on puisse vivre avec un petit troupeau et des prairies… Mais comment communiquer ? Cela pourrait passer par la mise en avant des bénéfices directs (baisse de charge) et indirects (traitement de l'eau, santé…) de telle et telle pratique. Il a été envisagé également de lister des arguments en s’appuyant sur des exemples de fermes qui gagnent leur vie avec ces pratiques, ce qui permet aussi de donner un cap à ceux qui veulent aller dans cette direction sans forcément y être déjà arrivés. Le réseau pourrait construire un cadre général qui présente globalement pourquoi ces objectifs et ces pratiques sont vertueuses, avec un fil conducteur qui pourrait inspirer la communication sur chacune des fermes.
Et tout au long des journées
Des moments festifs et conviviaux
Les temps de repas ont été l’occasion de déguster des produits des 4 coins de la France apportés par les participants mais également de mettre à l’honneur plus d’une quinzaine de producteurs locaux ariégeois. Les soirées ont permis aux participants de poursuivre les échanges sur les thèmes techniques abordés au cours des journées mais pas que … la bonne ambiance était au rendez-vous, pas seulement grâce aux musiciens.
Témoignage de Mathias CHEVILLON, éleveur de brebis à Seix (09) et membre du réseau Pâtur’Ajuste
C'est galvanisant ce type de rencontres, du monde de partout qui réfléchit dans le même sens, et ce depuis 10 ans ! Je me suis senti un peu "jeune" dans la thématique pour accueillir une visite sur ma ferme. Mais si les questions des visiteurs.euses, technicien.nes et agriculteurs.trices ont été très pointues, elles ont toujours été bienveillantes et constructives. Malgré la mise en garde de Sarah (animatrice du réseau Patur'Ajuste) "on vient pas sur ta ferme pour résoudre des problèmes", j'en ai même tiré quelques enseignements pour mes pratiques de pâturage pour les prochaines années.
La diversité des territoires et des fermes n'est pas un problème : on partage les outils d'analyse des systèmes de pâturages, les approches du fonctionnement des végétations, ce qui permet une compréhension facilitée du système de pâturage d'une ferme inconnue. Mais surtout, nous sommes tous animés par les fondamentaux de Patur'ajuste : donner de la valeur aux pâturages par les pratiques d'élevage, en mettant en harmonie le contexte de la ferme, les végétations en présence et des objectifs de l'éleveur (y compris en matière de bien-être au travail...). Partant de là, les objectifs de chacun.e étant légitimes, reste à échanger d'un point de vue technique sur la manière la plus opportune de les atteindre.
La diversité des acteurs qui se sont saisis de cette thématique en fonction des différents territoires est édifiante. Il est des coins de France où des acteurs très institutionnels se saisissent d'outils comme Pâtur’ajuste. Encore une raison pour être optimiste pour le futur ! Enfin, loin des schémas paternalistes et technico-descendants d'un autre âge, infantilisants et qui nient aux paysans leur savoir-faire et leur capacité de raisonnement, la co-construction de solutions entre techniciens.nes et paysan.nes qui a cours dans le réseau Pâtur’ajuste est dans la droite ligne du fonctionnement historique de Bio Ariège-Garonne. On est sur une vraie logique d'horizontalité, de respect et d'échange mutuel.
Je gage que le réseau Pâtur’ajuste a de beaux jours devant lui, notamment en Ariège et en Haute-Garonne !
Vivement les prochaines rencontres !
Phase 3 Élaboration et diffusion d’un guide technique à visée générique
Depuis 10 ans, le réseau Pâtur’Ajuste a capitalisé des connaissances et des savoir-faire techniques permettant de dépasser la valeur intrinsèque des végétations et les aptitudes intrinsèques des troupeaux, sans lâcher les ambitions de production animale, de maîtrise des végétations ou de qualités écologiques. Un guide technique a été élaboré à l’issue des journées pour présenter le panel des techniques qui a été discuté. Ce document ouvre le champ des possibles sur la multitude des pratiques envisageables et la finesse de pilotage associée pour créer de la valeur par l’usage sur ses parcelles et avec ses animaux et pour savoir s’adapter à chaque ferme.
SCOPELA, 2023, La valeur des végétations et des troupeaux se crée dans les fermes. Ce guide est disponible sur commande en version papier ou au téléchargement sur www.paturajuste.fr Guide technique à télécharger